lundi 25 octobre 2010

Violence et domestication - Jacques Camatte


 A propos du devenir de l’espèce humaine de la communauté immédiate à la communauté émergée du, et intégrée dans le cosmos

1 - La violence apparaît, se manifeste dès qu’il y a rupture d’un procès. Elle est ce qui permet la rupture, que ce soit dans le milieu physique, cosmique, humain. Réciproquement, surtout au niveau humain, il y a exercice de la violence pour défendre l’intégrité de ce procès menacé. Elle implique la mise en branle d’énergies plus ou moins orientées et donc la manifestation de forces.

2 - La violence a donc une réalité naturelle, c’est-à-dire qu’on peut constater dans la nature des phénomènes de violence. Toutefois c’est dans les communautés, les sociétés humaines qu’elle a une réalité vraiment significative parce qu’on peut déceler la plupart du temps un but avoué ou non, et parce que certains groupements humains essayent de la maîtriser et de la faire opérer à leur profit.

3- Il semblerait que dès qu’il y a manifestation de violence on doive avoir mise en jeu de forces importantes. Or ceci n’est pas universellement vrai. Il peut y avoir violence sans qu’il y ait déploiement de force. Ainsi la non-violence de Gandhi, qui n’exerçait pas une action directe sur l’appareil économico-politique de la puissance britannique aux Indes, opérait tout de même une violence pure parce qu’elle enrayait le procès de production global. La violence légale s’exprimant par des lois codifiées, est un autre exemple : les lois impliquent la violence latente et potentielle qui peut se manifester si les individus les refusent et d’autre part elles la présupposent pour son établissement. Réciproquement tout phénomène qui pour se manifester exerce une force importante, déploie une grande quantité d’énergie, est appelé violent. Or il n’est pas obligatoire qu’il fasse partie d’une violence en acte. Il y a là un glissement de sens fort préjudiciable à la compréhension des rapports humains,

4-La violence apparaît dans le devenir humain comme étant une détermination invariante même si elle ne s’est pas toujours exprimée de la même façon. Elle opère d’abord lors de la coupure-séparation des hommes et des femmes d’avec la communauté primitive, ce qui permet l’initiation d’un procès d’individualisation qui, en tant que négation potentielle de celle-ci, crée une violence à laquelle répond celle de la communauté pour enrayer le procès, l’inhiber. En outre la coupure a provoqué un déséquilibre tel que la communauté n’est plus apte à s’autoréguler et, de ce fait, il y a tendance à un accroissement de population qui lui aussi met en cause la structure communautaire ; d’où l’émergence du politique et de ce qui deviendra l’État. Les communautés réagissent par la violence en tachant de détruire ce qui émerge et de l’empêcher de s’autonomiser. Si la violence ne va pas toujours jusqu’à la guerre (cas analysé par P. Clastres), elle prend de multiples voies, en particulier celle des tabous, afin d’enrayer un procès qui nie celui de vie antérieur.

5- Les diverses ruptures d’équilibre dans le milieu environnant dues soit à des phénomènes géologiques (glaciations, variations du niveau des mers et donc de celui des fleuves et des rivières, séismes et éruptions volcaniques), soit à l’activité des hommes et des femmes, obligèrent les êtres humains à s’adapter et à adapter le milieu. Les hommes devinrent chasseurs, ensuite les femmes inventèrent l’agriculture. Ultérieurement, l’espèce exerce sa violence, d’une autre façon, en domestiquant animaux et plantes.

6 - Un moment rempli d’une extrême violence fut celui de l’assujetissement de la femme à l’homme. Dès lors le pouvoir, le politique s’autonomisent et, par suite de l’accroissement de la population, de la division du travail, etc., il y a apparition de l’État, qui se substitue à la communauté et la représente. Il est la violence concentrée, son équivalent général. Ce n’est qu’en Occident que les classes s’individualisent et donnent naissance à l’Etat.

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