lundi 1 novembre 2010

Perfect Stranger - Iboga Records

Blog plutôt calme ces derniers jours avec l'organisation d'un petit camping sonorisé dans le sud de la Nouvelle-Calédonie, et une bien belle découverte que je souhaitais partager en ces lieux : l'artiste Perfect Stranger du label Iboga Records, plutôt connu des amateurs de psytrance (et ils sont nombreux dans nos contrées) qui nous livre dans un album récent de petits bijoux de minimal organique : mélodies enivrantes, basslines hypnotiques, et un chouïa de glitch du plus bel effet. Merci à Will pour le partage !



lundi 25 octobre 2010

Pays Bas - La Hollande était le plus gros producteur de coke du monde



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Vice : Comment avez-vous trouvé le sujet de votre roman, The Travelling Merchant of the Dutch Cocaine Factory ?
Conny Braam : Quand je travaillais sur une trilogie consacrée à ma famille, la trilogie des Abraham, j’ai découvert que la Hollande a fait fortune en vendant de l’opium en Indonésie. C’était à la fin du XIXème siècle. Il y avait une usine d’opium dirigée par l’État à Java. En faisant des recherches sur cette manufacture, j’ai trouvé des informations expliquant qu’il y avait aussi une usine de cocaïne en Hollande. Elle était située à Amsterdam, au Weespertrekvaart. Maintenant, il y a un bar de Hell’s Angels à cet endroit.
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La nouvelle usine, construite en 1909.

J’ai entendu parler de cette usine pour la première fois dans votre livre. Je n'aurais jamais pensé que la Hollande avait été un producteur de cocaïne aussi important. 
C’était une découverte fascinante pour moi aussi, parce que mes recherches ont rapidement montré que cette usine était la plus grosse de ce genre au monde. Mais ce qui m’a le plus intrigué, c’est que les ventes ont considérablement augmenté pendant la Première Guerre Mondiale. C’était étrange, parce que l’usage médical de la cocaïne était très limité à l’époque. Les dentistes et les oculistes l’utilisaient comme anesthésiant, mais c’est à peu près tout. Et tout le monde savait déjà que ce truc était dangereux. Alors, pourquoi une plus grosse production ? Mais par la suite, j’ai découvert que des recherches avaient été faites en Allemagne pour tester les effets de la coke sur des soldats. Les rapports écrits de ces tests sont assez fous.

Ils testaient systématiquement la cocaïne sur les soldats ?

Oui, c’est Theodor Aschenbrandt, un scientifique Allemand qui s’en occupait. Dans son rapport de 1883, Die psychologische Wirkung und Bedeutung des Cocain il a décrit comment la cocaïne augmentait l’endurance des soldats Allemands, et comment cela diminuait leur faim et leur peur, il explique aussi que cela les faisait s’énerver plus facilement. En gros, ça en faisait de meilleurs soldats.

Ça se tient.
Après ça, j’ai trouvé des preuves irréfutables montrant que l'Usine Hollandaise de Cocaïne vendait de la cocaïne à tous les belligérants, dans un hebdomadaire pharmaceutique. Tout le monde, Anglais, Allemands, Français et Canadiens. Beaucoup de pays étaient impliqués dans cette guerre et des millions de soldats de chaque camp combattaient dans les tranchées. Les Pays-Bas, neutres, fournissaient tous ces pays en coke. C’est assez étrange, et c’est un passage noir de l’histoire Hollandaise, qui a été plus ou moins dissimulé. Ce n’est pas comme si on apprenait ça à l’école.

Lire la suite : 
http://www.viceland.com/blogs/fr/2009/11/12/pays-bas-la-hollande-etait-le-plus-gros-producteur-de-coke-du-monde/

Violence et domestication - Jacques Camatte


 A propos du devenir de l’espèce humaine de la communauté immédiate à la communauté émergée du, et intégrée dans le cosmos

1 - La violence apparaît, se manifeste dès qu’il y a rupture d’un procès. Elle est ce qui permet la rupture, que ce soit dans le milieu physique, cosmique, humain. Réciproquement, surtout au niveau humain, il y a exercice de la violence pour défendre l’intégrité de ce procès menacé. Elle implique la mise en branle d’énergies plus ou moins orientées et donc la manifestation de forces.

2 - La violence a donc une réalité naturelle, c’est-à-dire qu’on peut constater dans la nature des phénomènes de violence. Toutefois c’est dans les communautés, les sociétés humaines qu’elle a une réalité vraiment significative parce qu’on peut déceler la plupart du temps un but avoué ou non, et parce que certains groupements humains essayent de la maîtriser et de la faire opérer à leur profit.

3- Il semblerait que dès qu’il y a manifestation de violence on doive avoir mise en jeu de forces importantes. Or ceci n’est pas universellement vrai. Il peut y avoir violence sans qu’il y ait déploiement de force. Ainsi la non-violence de Gandhi, qui n’exerçait pas une action directe sur l’appareil économico-politique de la puissance britannique aux Indes, opérait tout de même une violence pure parce qu’elle enrayait le procès de production global. La violence légale s’exprimant par des lois codifiées, est un autre exemple : les lois impliquent la violence latente et potentielle qui peut se manifester si les individus les refusent et d’autre part elles la présupposent pour son établissement. Réciproquement tout phénomène qui pour se manifester exerce une force importante, déploie une grande quantité d’énergie, est appelé violent. Or il n’est pas obligatoire qu’il fasse partie d’une violence en acte. Il y a là un glissement de sens fort préjudiciable à la compréhension des rapports humains,

4-La violence apparaît dans le devenir humain comme étant une détermination invariante même si elle ne s’est pas toujours exprimée de la même façon. Elle opère d’abord lors de la coupure-séparation des hommes et des femmes d’avec la communauté primitive, ce qui permet l’initiation d’un procès d’individualisation qui, en tant que négation potentielle de celle-ci, crée une violence à laquelle répond celle de la communauté pour enrayer le procès, l’inhiber. En outre la coupure a provoqué un déséquilibre tel que la communauté n’est plus apte à s’autoréguler et, de ce fait, il y a tendance à un accroissement de population qui lui aussi met en cause la structure communautaire ; d’où l’émergence du politique et de ce qui deviendra l’État. Les communautés réagissent par la violence en tachant de détruire ce qui émerge et de l’empêcher de s’autonomiser. Si la violence ne va pas toujours jusqu’à la guerre (cas analysé par P. Clastres), elle prend de multiples voies, en particulier celle des tabous, afin d’enrayer un procès qui nie celui de vie antérieur.

5- Les diverses ruptures d’équilibre dans le milieu environnant dues soit à des phénomènes géologiques (glaciations, variations du niveau des mers et donc de celui des fleuves et des rivières, séismes et éruptions volcaniques), soit à l’activité des hommes et des femmes, obligèrent les êtres humains à s’adapter et à adapter le milieu. Les hommes devinrent chasseurs, ensuite les femmes inventèrent l’agriculture. Ultérieurement, l’espèce exerce sa violence, d’une autre façon, en domestiquant animaux et plantes.

6 - Un moment rempli d’une extrême violence fut celui de l’assujetissement de la femme à l’homme. Dès lors le pouvoir, le politique s’autonomisent et, par suite de l’accroissement de la population, de la division du travail, etc., il y a apparition de l’État, qui se substitue à la communauté et la représente. Il est la violence concentrée, son équivalent général. Ce n’est qu’en Occident que les classes s’individualisent et donnent naissance à l’Etat.



« Je m’assieds pour converser avec l’ombre 
Qu’un jour d’été tu oublias sur le sofa » 
- Alexandro Jorodowsky

La communauté qui vient. Théorie de la singularité quelconque - Giorgio Agamben



I. QUELCONQUE

L’être qui vient est l’être quelconque. Dans l’énumération scolastique des transcendantaux (quodlibet ens est unum, verum, bonum seu perfectum, l’étant quelconque est un, vrai, bon ou parfait), le terme qui, demeurant impensé en chacun, conditionne la signification de tous les autres, est l’adjectif quodlibet. La traduction courante au sens de « n’importe lequel, indifféremment » est certainement correcte, mais, dans sa forme, elle dit exactement le contraire du latin : quodlibet ens n’est pas « l’être, peu importe lequel », mais « l’être tel que toute façon il importe », celui-ci suppose, autrement dit, déjà un renvoi à la volonté (libet), l’être quelconque entretient une relation originelle avec le désir.

Le Quelconque dont il est ici question ne prend pas, en effet, la singularité dans son indifférence par rapport à une propriété commune (à un concept, par exemple : l’être rouge, français, musulman), mais seulement telle qu’elle est dans son être. La singularité abandonne ainsi le faux dilemme qui contraint la connaissance à choisir entre le caractère ineffable de l’individu et l’intelligibilité de l’universel. Car l’intelligible, selon la belle expression de Gersonide, n’est ni un universel ni un individu compris dans une série, mais « la singularité en tant que singularité quelconque ». Dans celle-ci l’être-quel est repris de son appartenance à telle ou telle propriété, qui l’identifie comme membre de tel ou tel ensemble, de telle ou telle classe (les rouges, les Français, les musulmans) - et il est repris non par rapport à une autre classe ou à la simple absence générique de toute appartenance, mais relativement à son être-tel, à l’appartenance même. Ainsi, l’être-tel, qui demeure constamment caché dans la condition d’appartenance (« il y a un x tel qu’il appartient à y ») et qui n’est aucunement un prédicat réel, vient au jour de lui-même : la singularité exposée comme telle est quelconque, autrement dit aimable.

Puisque l’amour ne s’attache jamais à telle ou telle propriété de l’aimé (l’être blond, petit, tendre, boiteux), mais n’en fait pas non plus abstraction au nom d’une fade généricité (l’amour universel) : il veut l’objet avec tous ses prédicats, son être tel qu’il est. Il désire le quel uniquement en tant que tel - c’est ainsi que s’affirme son fétichisme particulier. La singularité quelconque (l’Aimable) n’est jamais dès lors intelligence de quelque chose, mais elle n’est que l’intelligence d’une intelligibilité. Le mouvement, que Platon décrit comme anamnèse érotique, est celui de l’anaphore qui transporte l’objet non pas vers autre chose ou vers un autre lieu, mais vers son propre avoir-lieu, vers l’idée.

II. DES LIMBES

D’où proviennent les singularités quelconques, quel est leur règne ? Les questions disputées de saint Thomas sur les limbes contiennent les éléments d’une réponse. Pour le théologien, en effet, la peine infligée aux enfants morts sans baptême, dont l’unique faute est le péché originel, ne saurait consister en une peine afflictive, comme l’enfer, mais uniquement en une peine privative, telle que l’absence perpétuelle de toute vision de Dieu. Toutefois, contrairement aux damnés, les habitants des limbes n’éprouvent aucune douleur de cette privation : puisqu’ils ne sont pourvus que d’une connaissance naturelle et non surnaturelle, celle-ci étant implantée en nous par le baptême, ils ignorent être privés du bien suprême, ou s’ils le savent (comme l’admet une autre opinion), ils ne sauraient s’en affliger plus qu’un homme raisonnable souffre de ne pouvoir voler. S’ils devaient en souffrir, affligés d’une faute dont ils ne peuvent s’amender, leur douleur les plongerait dans le désespoir, à l’instar des damnés, ce qui serait injuste. De plus : leur corps comme les corps des bienheureux demeurent impassibles, mais uniquement par rapport à la justice divine ; pour le reste, ils jouissent pleinement de leur perfection naturelle.

La peine la plus sévère - l’absence de vision de Dieu - se renverse ainsi en allégresse naturelle : irrémédiablement perdus, ils demeurent sans souffrance dans l’abandon divin. Ce n’est pas Dieu qui les a oubliés, mais ce sont eux qui l’ont oublié depuis toujours, et contre leur oubli, l’oubli divin reste impuissant. Telles des lettres restées sans destinataires, ces ressuscités sont demeurés sans destin. Ni bienheureux comme les élus, ni désespérés comme les damnés, leur âme est à jamais inondée d’une allégresse sans objet.

Cette nature limbale est le secret du monde de Walser. Ses créatures se sont irrémédiablement égarées, mais dans une région au-delà de toute perdition et salut : leur nullité, dont ils sont si fiers, est surtout neutralité par rapport au salut, l’objection la plus radicale qui ait jamais été élevée contre l’idée même de rédemption. Proprement impossible à sauver, est en effet la vie où rien n’est à sauver, et contre elle fait naufrage la puissante machine théologique de l’oiconomia chrétienne. D’où le curieux mélange de friponnerie et d’humilité, d’inconscience de toon et de minutie scrupuleuse qui caractérise les personnages de Walser ; d’où également cette ambiguïté, qui fait que leurs rapports semblent toujours sur le point de se terminer au lit : il ne s’agit ni de υ’βρις païenne ni de timidité créaturelle, mais simplement d’une impassibilité limbale face à la justice divine. Tels le condamné libéré dans la Colonie pénitentiaire de Kafka, survivant à la destruction de la machine qui devait le supplicier, ils ont laissé derrière eux le monde de la faute et de la justice : la lumière qui pleut sur leur front est celle - irréparable - de l’aube qui suit la novissima dies du jugement. Mais la vie qui commence sur terre après le dernier jour est simplement la vie humaine.